Immersion au coeur d’une course mythique: la Diagonale des fous

 

Le Grand Raid de la Réunion, c’est 4 courses, dont la plus dure et plus célèbre: la Diagonale des fous. Pas moins de 165Km et 9580m de dénivelés positifs à parcourir au sein de l’île, du sud au nord. Une course faisant partie du programme de l’Ultra Trail World Tour, et qui fête cette année ses 25 ans de folie.

Cette aventure étant pour moi un rêve, j’ai choisi d’y goûter et d’essayer d’en immortaliser une partie. C’est au sein du cirque de Mafate, un des plus beaux (si ce n’est le) cirque naturel au monde, que j’ai décidé de les suivre. Du KM65 au KM113 et 4200D+, de Cilaos au Maïdo.

Au travers de paysages magnifiques et de sentiers très techniques. Sur les traces des esclaves « marrons »…


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En direction du Taïbit, cela fait 5 heures que les coureurs sont partis de Saint Pierre. KM68

Départ dès 2h30 cette nuit de Cilaos pour être au col du Taïbit, assister à un sublime lever de soleil et attendre patiemment les premiers fous, cette élite du trail, et avoir cette chance de les immortaliser au travers de mon objectif, tout en leur glissant un petit mot. Pas de seconde chance, les instants sont brefs.

Lever de soleil au Taïbit
Les premiers rayons de soleils du Grand Raid font leur apparition. KM72

Pendant la montée, je suit une joelette. 11 binômes se relaient pour porter ce jeune homme et lui offrir la mobilité pour assister à ce spectacle de la nature, un lever de soleil sur les cirques de la Réunion. Respect à eux.

Ne reste plus qu’à attendre la tête de course, ici, tout près du sommet du col du Taïbit. La Radio dans l’oreille pour suivre l’évolution de la course. Leur arrivée est proche, pas le droit à l’erreur, mon cadre est posé.


Leur arrivée est annoncée par le ballet d’hélicoptères qui se précipitent au dessus de moi, 3 hélicos avec caméras embarqués, rien que ça. Le ton est donné, on est bien sur le Grand Raid.

Et c’est l’américain Jim Walmsley qui arrive en première position, venant de prendre plus de 10 minutes sur le français Maxime Cazajous dans l’ascension du col du Taïbit. Ce coureur US est très fort.

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Jim Walmsley.

Arrivés en haut du col, ils souffrent, 75km dans les jambes, et c’est que le début. C’est une élite de l’ultra trail qui va ensuite défiler devant objectif.

Jim Walmsley abandonnera la course au bout de 126 kilomètres.


Hélicoptères au Taïbit.
Hélicoptères au Taïbit.

Maxime Cazajous arrive en deuxième position.

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Maxime Cazajous.
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Maxime Cazajous.

Maxime regrettera pas la suite d’être parti trop vite sur le début de course, ce qui le poussa à l’abandon par la suite.


S’en suit Ludovic Pommeret du team Hoka, troisième de la course. Lui aussi abandonnera la course.

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Ludovic Pommeret.

S’en suit Benoît Girondel, que je n’ai pas réussi à photographier, et qui sera finalement le vainqueur de cette 25 ème Diagonale des fous. Il faut que j’en loupe un et c’est lui, ça ne s’invente pas.


Derrière arrive le grand Antoine Guillon, inscrit dans la légende de la Diagonale des fous pour ces résultats. Avec lui, un des frères Camus du team Garmin, Sylvain. Sylvain ne terminera pas la course.

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Antoinne Guillon, suivi de Sylvain Camus.
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Sylvain Camus.

D’autres grands noms essaient de tenir le rythme donné par l’américain, mais l’écart est déjà bien creusé au bout de 75 kilomètres. Cependant les 90 kilomètres restants réservent bien des surprises, et beaucoup d’abandons.


Je décide ensuite de repartir sur les sentiers, appareil en main. Varier les cadres et découvrir un peu plus à quoi ressemble leur course. J’entame donc le sentier qui nous mènera jusqu’à Grand Place, 25 kilomètres plus loin. L’occasion d’avancer et de photographier le top 40 de cette diagonale.

Descente vers Marla.
Descente vers Marla.
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Arnaud Chartrain – 11ème.
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La foulée de Sébastien Camus arrivant dans Mafate.

Sébastien Camus ne terminera malheureusement pas la course, comme son frère Sylvain.

Sébastien Camus.
Sébastien Camus.


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Le soleil monte, et la température aussi. Il va faire très chaud dans Mafate pendant ce Grand Raid. C’est à Marla que je croise la leader féminine de la course, la suisse Andrea Husser, qui terminera 8ème de la course, 1ère féminine. Elle conserve ainsi son titre.

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Andrea Husser – 1ère féminine.
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Dans les pas de ce grand ultra-traileur, Stéphane Brogniart – 16ème.

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La plaine des tamarins, paysage magnifique, et l’occasion de dérouler avant de s’attaquer au Col des boeufs.

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Guillaume Peretti.

Guillaume Peretti après le col des boeufs. Guillaume abandonnera au bout de 107km à Roche Plate.


Une fois le col des boeufs franchis, direction le très beau sentier scout, qui va en mettre plein les yeux aux coureurs.

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Fernanda Maciel et son sourire – 8ème féminine.
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Henri – 227ème.

« Wow this is fucking amazing dude! Your country is awesome! »

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Kilomètre 100, 35km depuis mon départ, nous arrivons à Grand Place. Là où ces fous vont continuer sur 65 kilomètres, je m’arrête me reposer. La nuit tombe et j’aperçois les lignes de frontales qui montent les montagnes. J’imagine que l’ambiance doit être très particulière pendant cette deuxième nuit de course solitaire.

Je décide de repartir dans la nuit, à 3h, alors que la tête de course est déjà arrivée au stade de la Redoute. Je descend le chemin de mon gîte pour retrouver celui du Grand Raid. En chemin, je croise des hommes allongés par terre, dans leur couverture de survie. Le ton est donné.

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Seuls dans Mafate, ils se battent.

Je rejoins les coureurs, ils sont nombreux. En l’espace de 2 minutes je suis plongé dans l’ambiance très particulière. Tout est très silencieux, ils marchent tous très lentement, les corps souffrent, les esprits aussi. Je suis vraiment en décalage avec eux. Impossible pour moi de comprendre ce qu’ils endurent mais je décide de marcher à leur rythme, de les soutenir.

Beaucoup dorment par terre, sur les bords des sentiers. Certains semblent dormir debout, d’autres chantent… Le sentier jusqu’au Maïdo n’est pas facile, il leur faut monter, descendre, monter, descendre, monter… Beaucoup sont perdus et n’ont même plus conscience des reliefs qu’ils doivent passer, ils veulent juste en finir. Nous entamons la descente du bloc vers la rivière des galets. La descente est dure, surtout de nuit, le sol glisse et beaucoup tombent.

Arrivé en bas, un poste de secours. Il est complet, beaucoup dorment dans des couvertures de survie sur le sol. La rivière est l’occasion de faire une pause, de récupérer le temps d’un instant.

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Chacun est dans sa bulle, mais certains font le parcours en groupe. Ils se relaient et essaient de dynamiser l’avancée. Malgré l’épuisement, la vigilance est au maximum, la moindre chute sur une pierre humide peut stopper la course.

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Il est 5h du matin et la lumière commence à augmenter, les frontales vont bientôt pouvoir s’éteindre, et la montée vers Roche Plate et le Maïdo s’entamer.

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La lumière révèle les corps de ceux qui dorment au sol.
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La fatigue n’épargne personne.

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Le lever du soleil marque la fin de cet isolement nocturne. Pouvoir enfin voir où l’on se trouve. Beaucoup s’émerveillent du paysage de Mafate, qu’ils n’ont pas pu voir pendant la nuit. On discute, l’espoir renait même si la fatigue est toujours présente. J’essaie de trouver les mots pour les pousser vers le bout.

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Je ne suis pas le seul à prendre des photos, beaucoup en prennent avec leur portable. Il le faut, s’émerveiller devant ces paysages, garder en tête que c’est une chance énorme que de participer à cette diagonale.

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Les hélicoptères décoiffent les coureurs.

Nous montons le Maïdo, avec la fatigue cette montée est longue et très dure. Mais les coureurs du Trail du Bourbon sont là pour les encourager, ainsi que tout les gens que nous croisons sur le sentier. D’en bas, nous entendons les encouragements des supporters en haut du Maïdo, alors on se dit que ce n’est pas très loin.

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Le Maïdo, ça y est, ils y sont. Mais il reste encore 52 kilomètres à effectuer pour atteindre St-Denis. Et encore une belle ascension jusqu’à Dos d’âne. Le public est venu en nombre, et vont avoir un rôle très important pendant tout le reste de la course. Être avec ses proches, se ravitailler, se faire masser, prendre son temps, sont des choses importantes. Mais tout se joue dans la tête, au mental.

Bravo à eux. Il me semble que la diagonale des fous porte donc bien son nom. Impossible pour moi de comprendre ce qu’ils ressentent, mais j’aurais eu la chance de pouvoir observer ça de près. C’est cliché, mais il faut vraiment le faire pour le comprendre. Bravo, à tout ceux qui y sont parvenus, ainsi qu’à tout ceux qui y ont participé. À tout ceux qui y sont encore au moment où j’écris cet article, à tout ceux qui supportent et encouragent. Ce sport est magnifique et les valeurs qu’il porte aussi. À l’année prochaine les fous.

Retrouvez toutes les photos ici: damiencloarec.com/fragments-de-diagonale-photographies/

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